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Orages : des moyens de plus en plus réduits pour les prévisionnistes de Météo-France ?

Publié le 19 août 2022 à 16h24, mis à jour le 19 août 2022 à 17h48

Source : JT 13h Semaine

Météo-France n’avait pas prévu que les orages seraient si violents en Corse et qu’ils toucheraient toute l’île.
Il s'agirait là d’une conséquence de la baisse des financements de l’organisme et du manque de prévisionnistes.
Un rapport sénatorial pointe justement la réduction des plafonds d’emplois de 20% en dix ans.

Après avoir mis plus de 2h30 à déclencher la vigilance orange en Corse, soit quelques minutes avant que le ciel ne se mette à gronder et les rafales de vent à balayer l’île, Météo-France a été contrainte de s’expliquer jeudi 18 août dans la soirée. Avouant avoir été "surpris" par une situation "exceptionnelle", l’organisme a argué que l’événement était "difficilement prévisible" par ses modèles numériques.

Dans la soirée, un communiqué plus général a été mis en avant sur le site de Météo-France, rappelant à nouveau pourquoi les orages étaient des événements difficiles à anticiper. Ils sont "le résultat de processus complexes qui touchent une zone géographique très limitée. Il est donc difficile de prévoir ce genre de phénomène", a souligné le service français de la météorologie et de la climatologie.

Mais pour certains, le problème réside ailleurs. Plusieurs observateurs de météorologie ont plutôt mis l’accent sur les moyens alloués à l’organisme, et notamment sur la suppression des postes de prévisionnistes de ces dernières années. "Oui, le système orageux aurait pu être largement mieux anticipé. (…) Mais en réalité, la faute est peut-être aux personnes politiques qui ne mettent pas suffisamment de moyens à disposition des services de Météo-France", souligne Loïc Spadafora, qui se présente sur Twitter comme un expert en météorologie. Un constat partagé par d'autres, comme Etienne Farget, "chasseur d’orage et photographe", qui préconise plus de "moyens techniques, financiers et humains". 

Commentant la situation en Corse, et le bilan humain de cinq morts, le député La France insoumise (LFI) Éric Coquerel considère lui aussi que, "vu la difficulté pour les modèles météos d’anticiper ce type de phénomènes, et ça ne va pas s’arranger, il serait enfin utile d’arrêter de supprimer des postes de prévisionnistes à Météo-France". Sollicité, le syndicat national de la météorologie CGT n’était pas revenu vers nous dans l’immédiat. Mais en mai dernier, la section de Toulouse dénonçait la "baisse continue" des effectifs, paradoxale compte tenu des enjeux climatiques, auprès de nos confrères de Franceinfo. Dans le centre départemental de Haute-Garonne, les prévisionnistes n’étaient plus que 5 en 2021, contre une vingtaine "il y a quelques années".

8% de baisse des subventions en 5 ans

Météo-France étant un établissement public, la majeure partie de son financement provient directement de l’État, sous la forme d’une subvention "pour charges de service public". Comme l’indique l’organisme, "cette somme est versée pour que Météo-France assure ses missions institutionnelles (vigilance et soutien aux armées)". Et d’après le budget détaillé sur son site, ce budget a bien fondu de 8% en cinq ans, passant de 195,6 millions d’euros en 2015 à 180 millions d’euros en 2020. Les redevances aéronautiques, qui constituent la deuxième source de financement de Météo-France, sont restées stables (85,6 millions d’euros).

Ainsi, un rapport sénatorial, publié en septembre 2021, revient sur la décennie qui s’est écoulée et les évolutions budgétaires au sein de l’organisme. L’économiste Maximes Combes, ancien porte-parole d’Attac France, s’en est d’ailleurs fait l’écho ce vendredi 19 août, sur Twitter.

D’après cette note d’information, un contrat signé en 2019 entre l’organisme et la direction du budget, rattachée à Bercy, visait "une réduction de 15% des effectifs de l’établissement" entre 2018 et 2022. Soit une moyenne annuelle de 95 suppressions de postes. En 2021, "sur les trois premières années d’exécution du contrat, l’opérateur a tenu ses engagements", souligne l’auteur du rapport, le sénateur Vincent Capo-Canellas.

Et sur cette période, ce sont les personnels administratifs, les prévisionnistes et techniciens supérieurs de la météorologie (TSM) qui ont été les plus touchés par les coupes budgétaires, avec une réduction de moitié de leurs effectifs, passés de 1350 en 2018 à 600 en 2022), tandis que l’ingénierie de la météorologie a, elle, pu embaucher. Mais cette politique de réduction des coûts remonte à au moins dix ans, selon le rapport, puisque "le plafond d’emplois de Météo-France a diminué de 20 % depuis 2012". 

Le plafond d’emplois de Météo-France a diminué de 20 % depuis 2012, selon un rapport d'information du Sénat
Le plafond d’emplois de Météo-France a diminué de 20 % depuis 2012, selon un rapport d'information du Sénat - Commission des finances du Sénat d’après les rapports annuels de performance du programme 159

Dans ce rapport, Vincent Capo-Canellas prévient pourtant : "La capacité de Météo-France à mieux prévoir, plus tôt et de façon plus fine, les phénomènes météorologiques dangereux (…) doit en grande partie guider les orientations stratégiques de l’établissement, mais aussi les décisions prises par l’État à son endroit". Le texte affirme que "pour prévenir les risques accrus liés aux phénomènes météorologiques extrêmes, il est essentiel de veiller à ce que l’opérateur soit en mesure de jouer tout son rôle". 

Autrement dit, le système d’alerte pourrait être fragilisé par toutes ces coupes budgétaires depuis dix ans. Et cela a eu d’autres conséquences, plus annexes, comme la décision, début 2022, d’en finir avec la contribution de bénévoles, qui étaient de plus en plus difficiles à dénicher. Et qui ont été remplacés par des systèmes automatisés. Contactée, Météo-France s’est dit "pas habilitée" à commenter le budget qui lui est alloué.

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Caroline QUEVRAIN

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